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Quelle France num�rique en 2020 ?
Jeudi 12 juin 2014 | 15h18Le tr�s haut d�bit pour tous d’ici 2022. C’est ce que le gouvernement a fix� comme objectif. Comment va-t-on y parvenir ? Avec quels moyens techniques, humains et financiers ?
La FIRIP (Fédération des Industriels des Réseaux d’initiative Publique) fait un état des lieux dans son livre blanc "Quelle France numérique pour 2020" et met en perspective, exemples à l’appui, les différents axes qui en découlent (services, usages, infrastructures, emploi, formation…).
Voici le résumé de ce Livre Blanc, avec une mise en évidence des sujets aménagement numérique du territoire, méthodologie, financement, création d’emplois, dynamisation de l’économie; et des enjeux comparés à l’électrification du territoire ou au développement du chemin de fer.
Le rôle des collectivités locales
“L’initiative publique a un rôle essentiel […] en partenariat avec le privé.” annonce Gabrielle Gauthey, ancienne membre du collège de l’ARCEP, présidente de la commission innovation du MEDEF. L’article L1425-1 du 21 juin 2004 a en effet ouvert le “droit à agir” des collectivité locales en matière de télécommunications et d’aménagement numérique.
Cette ouverture, ouvrant la voie au déploiement des Réseaux d’Initiative Publique, a bien sûr permis une avancée certaine et une saine concurrence entre les opérateurs, sans hégémonie, comme nous pouvions le voir auparavant avec France Télécom. Et Gabrielle Gauthey d’ajouter “La fibre doit être partagée de tous".
Les enjeux des RIP
Les RIP, réseaux d'initiative publique, qui ont justement vu le jour grâce à cet article L1425-1, "ont permis de créer des réseaux ouverts, de couvrir intégralement un territoire, de fournir un service THD généralisé à tous les acteurs, populations, entreprises, services publics d’un territoire", affirme Pierre-Michel Attali, directeur de l’unité développement, responsable du pôle réseaux et collectivités locales à l'IDATE.
Mais qu’apporte concrètement le déploiement des RIP sur les territoires ? Voici quelques points importants à retenir :
▪ Réduction des zones blanches
▪ Nouveaux services grâce au dégroupage ou aux réseaux fibre optique
▪ Tarifs attractifs pour les particuliers et les entreprises grâce à la mise en concurrence
▪ Dynamisation globale de l’économie avec l’implantation de nouvelles entreprises
▪ Génération d’emplois (on note un taux de chômage inférieur de 0,5 point sur les territoires “rippés”)
Quels investissements ?
Le plan très haut débit prévoit la mobilisation de 20 milliards € dans les 10 prochains années dont 3 milliard de subventions apportées par l’Etat pour soutenir les projets des collectivités territoriales.
Du point de vue de Serge Bergamelli, directeur général du CNED: "En 10 ans, les collectivités se sont ainsi appropriées un sujet qui n’était pas dans leur domaine de compétences. Il faut souligner que l’initiative publique n’est pas une alternative à l’initiative privée mais un moyen de développer la concurrence, un effet levier : on injecte de l’argent pour que le privé puisse exploiter ces infrastructures. […] On peut constater que l’initiative publique a en fait forcé les grands opérateurs à accélérer leurs propres investissements. Ils ont vu que s’ils ne répondaient pas aux DSP, ils allaient sortir du jeu".
La complémentarité des technologies
"Pour atteindre l’objectif du très haut débit pour tous, les collectivités investissent aux côtés des opérateurs privés […] et doivent recourir au mix technologique" explique Laure de La Raudière, député de l’Eure-et-Loir. L’objectif est bien sûr est de disposer d’un accès égalitaire au très haut débit, aussi bien en pleine campagne qu’au cœur de Paris, et par la même de lutter contre la fracture numérique. Un mix technologique également évoqué par David El Fassy, directeur général d’Altitude Infrastructure et vice-président de la FIRIP, qui précise toutefois que "la fibre offre le débit le plus égalitaire puisque constant et unique".
Le très haut débit (débit supérieur à 30 Mb/s selon la définition européenne) pour passera par :
▪ une montée en débit des réseaux existants
▪ le déploiement de la fibre optique via les RIP
mais aussi par :
▪ Les technologies hertziennes (LTE/4G voire 5G)
▪ La technologie satellitaire
Le satellite vient en effet compléter efficacement les réseaux filaires, fibre, câble et ADSL. "Il reste la technologie la plus naturelle de complément des réseaux terrestres", explique Michel Azibert, directeur général délégué d’Eutelsat. La société propose aujourd’hui une offre d’internet haut débit par satellite sur toute l’Europe.
Au total, en 2022, "tous les Français auront accès au THD, mais à 80% en FTTH. Pour les 20% restants, il faudra mobiliser des technologies alternatives", annonce d’ores et déjà Antoine Darodes de Tailly, directeur de la mission France très haut débit.
Les grands enjeux
Si pour Etienne Dugas, président de la FIRIP, les enjeux sont au moins aussi importants que le déploiement du chemin de fer au XIXe siècle ou que l’électrification des territoires, Yves Rome, sénateur de l’Oise et président de l’AVICCA, compare le fibrage des territoires à l’invention de l’écriture et de l’imprimerie. Le décor est planté. Mais alors, quels sont ces enjeux si cruciaux ?
Du côté des particuliers, les premiers services publics rendus possible par la numérique, selon Yves Rome "c’est tout ce qui concerne l’éduction, pour réaliser le concept tant évoqué de réussite éducative, avec l’individualisation de l’enseignement. […] Autre grand sujet, la recherche des économies d’énergie et une meilleure sécurité à l’intérieur de habitation. […] Je ne veux pas oublier la surveillance et le maintien à domicile des personnes âgées, toujours préférable au placement lourd en EPHAD".
Yves Rome parle également de rééquilibrage de l’implantation de la population puisque tous les services rendus au public, tels que le télétravail et la télémédecine, vont "redonner une chance à des territoires" éloignés des métropoles. Pour Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée et président du conseil général de la Vendée "Le numérique redessine la carte de la prospérité".
Du côté des professionnels, à travers le très haut débit, se profilent de nombreux usages pour les entreprises. Jean-Michel Soulier, président de Covage en cite quelques-uns : "Téléphonie IP, big data, cloud, backup, visioconférence…". Avec des impacts directs évidents sur la compétitivité, la productivité et la croissance. S’ajoute à cela la mobilité qui "est un service qui intéresse beaucoup les PME", explique Romain Bucelle, directeur associé du groupe Alsatis. En effet, les réseaux vont être essentiels pour la connectivité internet, les mobiles, les tablettes, les écrans, le cloud...
Pascal Caumont, directeur général d’Adista et président de la commission opérateurs de proximité de la FIRIP, précise que "les entreprises ont bien compris aujourd’hui l’intérêt des services hébergés, souvent appelés services Cloud". Une offre "émergente est également appelée à se développer", c’est bien sûr le Big Data. Tout comme les services cloud aujourd’hui, l’intelligence opérationnelle -avec la possible analyse de volumes de données considérables- deviendra rapidement incontournable pour bon nombre d’entreprises. Bruno Le Maire, député de l’Eure, ancien ministre en charge de l’Aménagement du territoire, l’affirme lui aussi "Le Big Data va révolutionner le monde de l‘entreprise".
Et la convergence ?
Avec la fibre optique et le très haut débit, les concepts comme le “Smart Grid” ont pu se développer. Le principe est de faire converger l’électricité et le numérique afin d’établir une gestion de l’énergie et de la relation à l’usager. A l’échelle de la ville, ce concept va offrir des outils de gestion municipale très performant. Le tout est bien évidemment rendu possibles par la fibre, seule capable de faire transiter des volumes de données extrêmement lourds. La complémentarité entre les réseaux, l’accès aux informations et la valorisation vont passer de plus en plus par une mixité des données, permettant de mieux gérer nos consommations énergétique, mais aussi d’enrichir notre cadre de vie avec les objets connectés.
Petite illustration de Francis Jutand, directeur scientifique de l’Institut Mines-Télécom : "On constate un besoin grandissant de rendre les réseaux plus interactifs, d’où l’idée de compteurs intelligents conçus comme un moyen de gérer les pics de consommation. Les équipements peuvent être ainsi numérisés et commandés à distance".
Transition énergétique, gestion des espaces environnementaux, santé-économie, entreprise du futur,les promesses de la convergence paraissent aujourd’hui sans limites.
Un boom pour l’emploi et la formation
La création de valeurs permise par le numérique et le très haut débit va évidemment de pair avec la création d’emplois. Pour Gabrielle Gauthey, "La conséquence de la convergence est que les débits vont devoir être multipliés par 25, ce qui suppose un investissement énorme à faire sur les réseaux. […] Et on ne pourra pas avoir ce cloud dont va dépendre la compétitivité de nos entreprises s’il n’y a pas un réseau de fibre optique très performant".
Antoine Darodes, directeur de la Mission France très haut débit nous donne alors quelques chiffres "ce plan THD d’environ 20 milliards porte un enjeu de 20 000 emplois. Il s’agit pour l’essentiel d’emplois non délocalisables dans les secteurs des réseaux et du BTP".
Du côté des acteurs du numérique
L’entreprise Sogetrel, leader sur le marché des réseaux câblés, représente un bel exemple des enjeux du numérique en matière d’emploi. Xavier Vignon, son président, nous l’explique. "Nous devons trouver très rapidement des collaborateurs capables de concevoir et de construire un réseau. […] Il faut dénicher des potentiels pour les faire monter et qui soient le plus proche de nos métiers. […] Je ne serais pas surpris qu’on ait 200 ou 300 personnes de plus d’ici 3 ans".
Du côté des entreprises
Pour André Marcon, président de CCI France, "On est en train de détruire beaucoup d’emplois avec le numérique, mais si on sait prendre le virage, on va en créer beaucoup. C’est une chance pour les plus petites des entreprises et pour les territoires. Avec ces outils auxquels elle ne pouvait prétendre dans les années 60, l’entreprise joue à armes égales avec ses concurrents. Aujourd’hui, la connaissance est tellement partagée que les petites entreprises peuvent l’acquérir sans bourse délier".
Le très haut débit représente donc une égalisation par le haut, et ce dans toutes les sphères citées plus haut. D’après Bruno Le Maire, c’est "sans doute le principal bloc de croissance de la quatrième révolution industrielle".
Clemence MICHEL
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